Jusqu'à ce jour, je ne peux que me féliciter de travailler dans un domaine dont l'incontestable patriarche est justement Jean-Luc Godard. Le critique André Bazin s'amusait autrefois en comparant le cinéma à la religion. On pourrait donc presque dire aujourd'hui que Jean-Luc Godard est le pape du cinéma, mais cette comparaison ne colle pas vraiment : Godard n'est pas un homme institutionnel. Il est un académicien qui s'oppose à tout académisme. Ses films se prêtent à d'infinies analyses et interprétations, et dans le même temps, conservent une forme d'espièglerie et de simplicité. Génial et brouillon. Jean-Luc Godard est le patron des personnages benêts et dilettantes. Son caractère révolutionnaire tient dans le fait qu'il est parvenu à transformer ses erreurs en une qualité visionnaire. Le plan sur plan (jump cut) était tabou au cinéma avant que Godard ne l'utilise dans À bout de souffle parce qu'il avait mal tourné les contre-champs. Pendant des dizaines d'années, il est revenu, via son œuvre, aux fondamentaux de la cinématographie, en la rafraîchissant, en la délestant des tendances fugaces. Tout cela, de manière espiègle et enfantine, bien sûr. Le saint François du cinéma.
Pour le Festival du film français, Jakub Felcman, journaliste de cinéma indépendant